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Table ronde :

approvisionnement MPUP dans les pays francophones : Témoignages sur la réglementation, autorisation, difficultés

Table ronde : approvisionnement MPUP dans les pays francophones : Témoignages sur la réglementation, autorisation, difficultés

Vendredi 22 mars 2024

15h30 à 16h30

Dr Carolina Contijoch (Espagne)
M Peter De Sutter (Belgique)
Mme Hiba Wahhab et M Philip Smyth (Canada)
M David Simonnet,
Dr Céline Dumas et
Dr Claude Bernard (France)

 
 

Résumé de l’intervention :

Carolina CONTIJOCH : 

Q1 : « Comment se déroule chez Acofarma l’approvisionnement des MPUP (Matières Premières à Usage Pharmaceutique) et avez-vous dû vous adapter dans votre organisation durant cette période inédite de ruptures ?»

Dans le modèle espagnol les pharmacies sont copropriétaires d’une coopérative pour s’approvisionner avec la garantie de la qualité UE (Union Européenne) avec des bénéfices d’échelle. 

L’agence du médicament espagnole publie l’autorisation d’utiliser la PM (Préparation Magistrale) et de s’approvisionner en PA (Principe Actif) en cas de rupture et/ou importer une spécialité étrangère cependant elle ne pourra être utilisée pour fabriquer une PP (Préparation Pharmaceutique). 

Les pharmacies ont des autorisations pour fabriquer des PP qui sont des alternatives très utilisées en Espagne. Alors l’agence du médicament contacte les fournisseurs pour connaître la qualité des MPUP et nos quantités disponibles et sourçables 

 

Hiba WIHAB et Philip SMYTH :

Q2 : « Selon Medisca, quelles pratiques pourraient être mise en place au niveau des sous-traitants et au niveau réglementaire pour faciliter la gestion de l’approvisionnement pendant ces périodes de rupture ?»

L’industrie des PP est sous utilisée en période de pénuries de médicaments. Nous sommes moteurs de certaines suggestions pour améliorer cette activité :

  1. Communication : considérer la PM comme un partenaire légitime dans la gestion des pénuries de médicaments et collaborer activement avec des organisations telles que les PREF ou le SN2P dès les premiers signes de pénuries. Avoir des remontées d’informations rapides pour gagner en agilité.
  2. Collaboration avec les régulateurs : collaborer avec les autorités de réglementation est essentiel pour réagir rapidement aux pénuries de médicaments. Supprimer les obstacles inutiles sans compromettre la sécurité des patients (exemple de l’amoxicilline aux USA où une recommandation et des principes clairs de protection du manipulateur et de nettoyage des unités de production ont permis aux pharmacies de produire des PP). Ou encore permettre aux officinaux d’utiliser des matières premières de qualité USP (VS qualité EP faisant entrer Medisca entreprise nord-américaine dans la catégorie 3 au vu des nouvelles BPP et dont la majorité des MPUP sont reconditionnées et testées in situ) dans des situations susceptibles d’avoir un impact sur le soin des patients lors de ruptures de médicaments et d’absence de MPUP qualité EP. Il devrait y avoir des considérations pour les entreprises enregistrées auprès de la FDA qui sont aussi conformes au BPF.

 

  1. Clarifier les réglementations et la manière dont les pharmacies préparatoires peuvent intervenir en cas de pénuries. La confusion dans les lois pose des risques pour ces pharmacies qui craignent de subir des conséquences juridiques alors qu’elles souhaitent traiter des patients.
  2. Créer des modèles économiques afin de réduire les risques initiaux en cas de pénurie. Les quantités minimales à commander chez les fabricants tant pour la pharmacie que pour le distributeur de MPUP entraînent des coûts importants. En l’absence de visibilité sur la durée de la pénurie, de l’autorisation de réalisation de PP ou sur les productions potentielles il réside un risque sur les dépenses engagées. C’est aussi une perte de temps car il faudrait réaliser une analyse de marché pour savoir s’il faut prendre le risque financier de commander cette MPUP de courte durée et il en est de même pour le distributeur pour sourcer un fabricant de qualité et pouvoir s’engager sur des quantités à commander. L’un des moyens de réduire les risques serait d’indemniser le pharmacien pour les MPUP restant après pénuries car leur coût est relativement faible en comparaison du prix total de la préparation ce qui incitera les pharmacies à préparer en cas de pénuries. L’autre sera de s’assurer lors de pénuries que les PP seront couvertes par les régimes d’assurance maladie. Reconnaître aussi qu’un médicament à bas coûts n’est plus assez lucratif et donc souvent délaissé par le laboratoire pharmaceutique fabricant. 

Q3 : « Avez-vous déjà travaillé avec des pays européen qui auraient les mêmes contraintes de MPUP catégorie 3 que la France avec ses nouvelles BPP ?»

Nous travaillons avec plus de 80 pays dans le monde et chacun veut l’adéquation à sa propre monographie ce qui est impossible. Il y a des millions de produits fabriqués et il devrait y avoir une relation réciproque entre USP et EP surtout durant les pénuries.

 

Claude BERNARD :

Q4 : « La feuille de route ministérielle de lutte contre les pénuries a positionné l’établissement pharmaceutique de l’APHP comme un coordinateur pilote pour un réseau public/privé dans le plan d’action de lutte contre les pénuries à différents niveaux. De fait, quels sont les défis (réglementaires de traçabilité) et comment avez-vous géré ce cas de l’Amoxicilline ?»

Le rôle de coordinateur défendu depuis la COVID a permis une coopération entre PUI, ANSM, DGS et AP/HP qui a permis in fine de produire localement des ampoules seringues et flacons de curare, permettant de sauver des vies.

Concernant l’Amoxicilline, tous les échanges entre confrères de PUI et industriels ont toujours permis de trouver une solution. On a trouvé et identifié rapidement la MPUP pour mettre à disposition 1800 kg d’Amoxicilline. Dans le cadre de l’animation de ce futur réseau public/privé il faudra adapter la commande publique car c’est ce qui a mis le plus de temps. Les aspects réglementaires lorsqu’ils sont anticipés et organisés permettront d’être réactifs mais malheureusement cela n’a pas été le cas dans la gestion des curares et de l’amoxicilline. Il ne faut jamais oublier qu’au bout de la chaîne décisionnelle il y a des patients.

Concernant l’Amoxicilline il n’y a qu’une seule usine en France et aucune CDMO capable de faire quelque forme que ce soit. De surcroît leurs carnets de commandes étant bien remplis ils n’ont pas besoin de notre activité marginale.

 

David SIMONNET :

Q5 : « En 2011 vous alertiez sur l’impact de la mondialisation que ce soit sur la qualité des PA ou sur la santé publique, les difficultés des industriels du médicament et des MPUP. Pourriez-vous nous rappeler vos solutions depuis plus de 10 ans pour ne plus en arriver là ?»

Constat réalisé il y a 13 ans, date à laquelle on accusait une dizaine de ruptures en France. Avec une mécanique d’augmentation de ces risques déjà visible aux USA pour laquelle je souhaitais que l’on anticipe de façon mécanique cette croissance inéluctable car elle repose sur des réalités de structures, à savoir que la fabrication de MPUP qui était autrefois dans le sein des groupes pharmaceutiques a été externalisée puis délocalisée. 

On avait une chaîne de fourniture qui s’était donc fragmentée et plus la chaîne est fragmentée, plus le nombre de maillons est important, plus le risque structurel l’est aussi. 

L’importance de la MPUP était complètement méconnue car devenue un produit banal entraînant une méconnaissance des patients de cette réalité et relayée par les professionnels de santé qui pensaient que le médicament était relativement facilement accessible. 

Aujourd’hui la relocalisation présentée comme une solution est inaccessible car les industries de chimie fine sont 10 fois plus présentes en Chine ou en Inde qu’en Europe. Cette relocalisation n’a de sens que si elle concerne des MITM.

Il y a 10 ans nous demandions une cartographie des MITM et de la chaîne de valeur. Cela ne s’est fait malheureusement que plus de 10 ans plus tard.

Pour maintenir des usines de chimie fine SEVESO et répondre aux exigences BPF et GMP ce sont des millions d’euros à investir. Cela est compliqué sans engagement à long terme pouvant être réalisé avec l’état mais aussi des partenaires publics, des sociétés pharmaceutiques françaises de taille moyenne et aussi des pharmacies préparatoires. 

Il y a eu aussi des causes structurelles comme la sous-estimation des risques géopolitiques. Face à cela, la relocalisation est une réponse si elle est accompagnée de façon durable sur des références de MITM avec des acteurs privés et des modèles public-privé.

Le renforcement des normes en Europe supporte le progrès. Il faut des moratoires car il y a des enjeux environnementaux, il faut donc différencier le prix du médicament en fonction de la provenance de la MPUP. La crise COVID nous a fait prendre conscience de notre dépendance aux pays tiers. 

Développer une MPUP prend 2 à 3 ans. Il y avait une méconnaissance sur cette réalité industrielle. Aujourd’hui il y a encore de la capacité de production disponible au niveau des CDMO, la réactivité étant meilleure.

 

Peter DE SUTTER :

Q5 : « Fagron est une entreprise verticalisée impliquée dans toute la chaîne de valeur de la PP mais on vous connaît aussi pour des problématiques de rupture qui s’amplifient. Pourriez-vous nous donner un éclairage sur les tendances à venir ?»

L’approvisionnement est multifactoriel. Nous avons 20 filiales dans le monde avec 20 contextes sanitaires et pour la France et la Belgique nous avons un portefeuille de produits disponibles déjà qualifiés. 

Ce qui signifie que Fagron a déjà un audit sur papier pour ces produits avec échantillonnage de lots et on fait cela pour tous les produits que l’on veut fournir. 

Si on est en rupture d’un de ces produits cela doit se régler rapidement sauf si l’on n’a pas de stocks. Dans ce cas on en commande au fabricant et on le reconditionne dans un de nos sites de reconditionnement en Europe. Si cela est impossible on va contacter nos autres filiales pour savoir si quelqu’un possède la MPUP dans son propre portefeuille et vérifier les documents réglementaires. Si on entre dans aucun de ces cas alors on va rechercher si l’actif est disponible chez un fabricant et pour cela on a un département d’achat de 70 personnes dans le monde entier. Il faut faire la qualification, ce qui peut ralentir les choses.

Pour l’amoxicilline on a eu l’opportunité d’avoir un partenaire aux Pays-Bas qualifié pour reconditionner aux normes GMP, mais au mois de novembre on a vu une augmentation importante de la demande en France et notre fournisseur s’est retrouvé en rupture. Alors nous avons traité directement avec le fabricant et qualifié un peu plus vite grâce au partenariat avec l’ANSM ce qui a réduit le temps de rupture. 

 

Céline DUMAS :

Q5 : « Comment vivez-vous cette période du plan blanc rupture et quelles recommandations pourriez-vous faire ?»

La période des ruptures a été une période de défis pour tous les préparatoires avec des difficultés différentes mais aussi une période de synergies entre confrères, hospitaliers, autorités et fournisseurs qui nous a permis de démontrer notre agilité.

Mais on a pu voir apparaître certaines difficultés pour les petits préparatoires comme moi sur l’approvisionnement :

  • Cette agilité et cette flexibilité réglementaire est plus difficile à obtenir pour les préparatoires de plus petites tailles car nous n’avions pas les moyens d’acheter ces MPUP en tension disponibles qu’en grosse quantité avec des coûts insurmontables pour les petites structures. Or ce sont les petites structures qui permettent de vérifier le maillage territorial et donner à tous l’accès au traitement.
  • La transparence des stocks est un point important car il est difficile d’acheter et de stocker en grande quantité en raison de risques financiers.
  • La catégorie 3 suscite aussi des interrogations car certaines MPUP sont disponible uniquement dans des pays hors Europe.

 

Q5 : « Quand vous parlez de transparence des stocks, s’agit-il des stocks fournisseurs ?»

C’est un point très intéressant car il peut arriver qu’il reste un stock important chez un fournisseur classique et certains préparatoires vont pouvoir du fait de leurs surfaces de fabrication acheter la totalité du lot restant, ce qui va entraîner l’impossibilité d’honorer les petits réapprovisionnements de préparatoires plus modestes, ce qui va mettre en défaut tous les patients de ce maillage territorial réalisé par les petits préparatoires.

 

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